Les dernières élections législatives 2024 ont vu triompher une nouvelle catégorie d’électeurs : les “castors”.
Les castors sont les électeurs qui se mobilisent au nom de la démocratie pour faire barrage aux autres partis, aux autres idées. Les castors sont désignés ainsi car ils ne vont pas voter pour leurs idées ni celles d’un parti qui pourrait les défendre, ni un programme politique, mais juste contre.
Pour les élections législatives 2024, les castors ont fait barrage au parti politique qui est sorti gagnant du premier tour, l’union LR-RN.
La motivation avancée est celle selon laquelle le parti politique majoritaire en France ne serait ni démocratique, ni républicain, dit-on. Il est question de fréquentabilité, et ce critère résulte d’une radicalisation qui consiste à déclarer que celui qui ne pense pas comme vous, ou exprime des valeurs qui ne sont pas les vôtres, doit être exclu.
Le raisonnement est dès plus simpliste, mais fonctionne manifestement très bien.
Cependant, ce jeu est très risqué et porte des conséquences inattendues : la première est l’émergence des grands castors.
Les grands castors sont la vraie nouveauté des dernières élections législatives, et les petits castors ne les ont pas vus venir. Les grands castors sont les élus des petits castors, c’est à dire nos parlementaires.
Les grands castors vont à leur tour agir comme les petits castors : ils votent contre, il rejettent.
Si les petits castors ont agi sur l’appel du parti au pouvoir, et ensuite au second tour des élections à l’appel également des partis éconduis par les électeurs, ils ont dans un premier mouvement permis de rejeter la droite qualifiée d’extême, qui avait largement remporté les scrutins lors du premier tour des élections.
Les grands castors vont cette fois, et toujours au nom des valeurs, se charger d’éliminer l’autre bord de l’opposition, la gauche qualifiée d’extrême.
Sur le plan démocratique, ceci va poser de très sérieuses difficultés, et quelques perspectives :
Le principe du vote en question
La première consiste en un risque démocratique qui fragilise le principe-même du recours à l’élection et au vote, car il ressort de la castorisation de la vie politique que le parti politique majoritaire pour les français au premier tour et situé à droite des bancs de l’Assemblée Nationale a été écarté, d’une part, mais également que le parti politique LFI se trouve à son tour victime des grands castors.
Si l’union LR-RN s’est borné à solliciter les suffrages, LFI sera victime d’un effet caractéristiquement révolutionnaire et contre-révolutionnaire pour avoir renversé avant de l’être à son tour, et ce même avec l’aide des grands castors qui étaient ses alliés et ceux qu’elle a permis de faire élire.
Il est en effet clair que les alliés du NFP ne sont pas leurs meilleurs amis et font barrage à l’application du programme autant qu’à la consécration d’une primature LFI, et il est pressenti, voire annoncé, que le nouveau gouvernement sera pluriel à l’exception du RN et de LFI.
Les socialistes et les écologistes vont sans nul doute être invités au grand banquet républicain.
L’électeur sera conduit à réfléchir sur l’utilité le vote, et donc de la participation, dès lors que le sens de son vote et les oppositions auront finalement été perdus et divisés.
La seconde préoccupation est celle de la grande fragilité de la légitimité des élus et gouvernements à venir.
La castorisation de la vie politique par l’action successive des petits et des grands castors conduit par ailleurs à considérer que si les alternatives possibles ont été neutralisées, le pouvoir ne va pouvoir être exercé que d’une manière illégitime, quelle que soit la qualification d’un statut de minorité ou majorité, qui perd tout sens.
En effet, le parti politique qui était au pouvoir avant les élections a été clairement désavoué. Pourtant, c’est autour de ce parti que les autres mouvements politiques vont s’agglomérer hors les grands mouvements gagnants pour l’exercice du pouvoir et la formation d’un gouvernement dont il faudra a posteriori seulement construire ou justifier la légitimité.
Ainsi, contrairement à la volonté du peuple de promouvoir le changement et l’alternative, la castorisation de la vie politique va contrarier tous les slogans politiques et tous les programmes pour réduire l’expression politique non plus à son plus grand dénominateur commun, mais malheureusement son plus petit.
Ainsi, les idées politiques de millions d’électeurs n’ont plus qu’un tout petit espace d’expression qu’il va falloir paradoxallement nommer consensus.
Cette situation offre néanmoins des perspectives.
En effet, il est possible de considérer que l’union autour d’un nommé arc républicain alliant des Socialistes à la Droite Républicaine produise un effet d’apaisement dans le pays, où les sujets qui divisent seront écartés par le jeu d’un équilibre des forces et de contre-pouvoirs.
Il est toutefois également possible de considérer que le mouvement populaire des castors aura été le grand perdant des élections législatives 2024 car les idées et les projets de la campagne électorale, ceux du RN ou ceux de LFI, intangible sur l’application de son programme et qui déclare un mois après les résultats qu’il va finalement falloir convaincre au delà du NFP, ne seront jamais réalisés.
Les électeurs castors ont produit la neutralisation des oppositions et l’absence de changement ; Il reste donc à observer si la vie politique française peut se perpétuer au delà d’un an dans cette absence de changement.